Je venais de terminer la lecture de La promesse de l’aube de Romain Gary. J’avais refermé ce chef d’oeuvre avec un profond sentiment de reconnaissance.
Je suis sortie prendre l’air de cette matinée d’automne et j’ai aperçu un rouge-gorge sur le sol du parking parmi les feuilles mortes. Debout sur ses pattes, immobile alors que je m’approchais, sans doute affaibli par une collision. Je l’ai saisi entre mes mains, il s’est laissé prendre. Je l’ai placé dans un carton que j’ai refermé et je l’ai posé à côté de mon bureau. J’avais laissé le roman sur la table de travail et je voyais ce titre qui m’appelait, cette promesse du matin et l’oiseau qui se reposait dans la boite.
J’ai ouvert le livre à la page 453 et j’ai lu : « En entrant un matin dans le salon, j’ai trouvé un oiseau-mouche qui était venu là en toute confiance, sachant que c’était ma maison, mais qu’un coup de vent, en fermant la porte, avait emprisonné entre les murs pendant toute la nuit.
Il était assis sur un coussin, minuscule et frappé d’incompréhension, peut-être désespéré et perdant courage, et il était en train de pleurer d’une des voix les plus tristes qu’il me fut jamais donné d’entendre, car on entend jamais sa propre voix. J’ai ouvert la fenêtre et il s’est envolé et j’ai rarement été plus heureux qu’à ce moment là et j’ai eu la conviction de ne pas avoir vécu en vain. »
J’ai porté le carton près du grand cèdre. Je l’ai déposé sur le tapis d’aiguilles et de mousse et l’ai ouvert. Le rouge-gorge était recroquevillé dans un coin, il me regardait, effrayé. Je me suis éloignée de quelques pas et je l’ai vu prendre son envol avec toute la vigueur de ses petites ailes, filant comme une étincelle écarlate vers la cime des arbres. Il s’était reposé, il allait retrouver l’apesanteur.
J’ai regagné mon bureau. Le livre était resté ouvert, une plume, minuscule, flottait dans la lumière dorée du matin.
2 commentaires
J’aime tellement votre sensibilité, rare. Bien heureuse que le rouge-gorge ait pu s’envoler. A-t-il déjà oublié sa mésaventure et les mains qui l’ont ramassé avec douceur ?
Chère Monique,
C’est une grande question que je me pose également !