Emile Zola écrit dans Le Figaro le 24 mars 1896 « son amour des bêtes ». Si ce terme de « bêtes » peut nous choquer et nous sembler péjoratif en 2021, sa pensée et ses sentiments étaient purs et forts. Il affirmait, sans craindre le ridicule, qu’il était « bouleversé par la souffrance » des bêtes. Deux ans avant son célèbre « J’accuse » à propos de l’affaire Dreyfus, il s’interroge : « Pourquoi la rencontre d’un chien perdu, dans une de nos rues tumultueuses, me donne-t-elle une secousse au coeur ?…Pourquoi les bêtes sont-elles toutes de ma famille, comme les hommes, autant que les hommes ? »
Bien sûr de grands écrivains, des érudits, ont dès l’antiquité pris partie pour la défense des animaux.
Mais là, Zola s’expose, il ne craint pas de dévoiler ses sentiments. Il évoque l’amour qu’il a eu pour un petit chien très malade qu’il a gardé auprès de lui plusieurs années : son petit Fanfan, celui qu’il appelle « son petit chien fou » car atteint d’une affection neurologique, il tournait sur lui-même : « Une bête, rien qu’une petite bête, et souffrir ainsi de sa perte, être hanté de son souvenir à un tel point que je voulais écrire ma peine, certain de laisser des pages où l’on aurait senti mon coeur. »
Il termine son article avec son rêve : « Les bêtes n’ont pas encore de patrie. Il n’y a pas encore des chiens allemands, des chiens italiens et des chiens français. Il n’y a partout que des chiens qui souffrent quand on leur allonge des coups de canne. Alors, est-ce qu’on ne pourrait pas, de nation à nation, commencer par tomber d’accord sur l’amour qu’on doit aux bêtes ? »
Nous n’en sommes toujours pas là en 2021, Monsieur Zola !
Et nous en sommes tellement loin.
A l’heure où les politiques parlent de « bien-être animal » sans avoir le courage de mettre fin aux pratiques d’élevage les plus barbares, à l’heure où les chasseurs mettent les politiques à leur botte et sèment la terreur dans les campagnes, où l’on élève des sangliers et des faisans pour leur bon plaisir de tuer, où l’on abandonne et euthanasie à tour de bras chiens et chats en surnombre, et où toutes ces causes paraissent toujours ridicules aux yeux du plus grand nombre, tous vos combats sont toujours d’actualité et celui-ci est loin d’être gagné…